Ce qui aurait dû être un joli matin de mai n'était que grisaille et froidure. La neige était subitement tombée hier en abondance, non pas aérienne, immaculée, mais souillée, polluée. Elle avait fondu assez rapidement par endroits, comme réchauffée par ses propres radiations. Assise sur le porche de sa petite maison nichée au cœur de la forêt vosgienne, Elisabelle regardait son jardin d'un œil vide.
En tournant la tête vers sa chère forêt, son regard tomba sur un gobelet de milk-shake, ce qui lui arracha un sourd gémissement. Ce carton avait autrefois appartenu au petit voisin, mais Raphaël se l’était accaparé d'autorité pour y transférer ses précieux cailloux — ses pierres précieuses, comme il disait. Il aimait les transvasements, Raphaël. Il avait toute une collection de pots de tailles différentes et pouvait s'amuser de longues heures tout en s'appropriant le concept des volumes. Mais Raphaël ne jouerait plus jamais avec ce gobelet. Il était parti le premier, en l'espace de quelques heures, sans un cri, sans un murmure. Elisabelle et Guillaume n'avaient pas compris que le ciel, qui s'était abattu avec fracas sur leur tête, n'avait pas fini de s'effondrer. Que ce n'était que les prémices d'un désastre annoncé. Hébétés, accrochés au téléphone sans tonalité, ils avaient essayé de réanimer leur petit, de le secouer, de lui insuffler un semblant de vie.
C'est enlacé, perdus dans leur immense douleur qu'Elisabelle avait senti Guillaume faiblir. Son homme, une force de la nature, un grand gaillard tatoué qui n'avait peur de rien, qui avait construit de ses mains leur jolie maison, qui avait débroussaillé avec amour et sueur cet espace-là devant pour qu'Elisabelle puisse y faire pousser leur nourriture et pour que les enfants puissent se rouler dans la terre ou ériger des châteaux de sable, cet homme, son homme, défaillait. Elle l'avait aidé à se coucher, l'avait veillé, puis dans un éclair de lucidité la cause de leurs malheurs lui était brutalement apparue. Il avait alors susurré dans un dernier souffle : Fessenheim !
Nathan avait suivi peu après. Il était parti chasser en annonçant à sa mère que puisqu'il était maintenant l'homme de la famille, c'était son devoir de ramener à manger. Il avait pris son carquois, quelques flèches et l'arc qu'il s’était lui-même fabriqué. Elisabelle l'avait retrouvé dans la forêt à côté d'une biche. Morte elle aussi. Mais morte bien avant que les fléchettes du petit garçon ne la transpercent.
Desséchée, vidée de toute vie, Elisabelle attendait impatiemment la venue salvatrice de la nuit éternelle. Elle n'avait jamais eu peur de la mort (mais pense-t-on à la mort quand on a 30 ans ?) car elle savait — oui elle le Savait avec un « S » majuscule — que son âme immortelle rejoindrait les autres dans une nuée divine. Lorsqu'elle jardinait encore, les mains dans l'humus, elle se sentait reliée à cette énergie extraordinaire. Elle s'imaginait être un fil électrique qui aurait laissé passer le courant sacré entre la terre, son encrage, sa force et le ciel peuplé d’hommes, de femmes, d’animaux aussi, tout ce que l'univers comporte d'âmes illuminant l'au-delà et formant ainsi un dieu multiple. Maintenant que son mari et ses fils avaient rejoint cette cohorte céleste, elle n’en pouvait plus d’attendre pour les retrouver. Pourquoi la mort tardait-elle tant ? Comment après trois jours pouvait-elle être encore en vie ?
Isolée, loin de toutes habitations, elle ne pouvait que deviner l’ampleur des dégâts. L’hiver nucléaire qui les avait frappés si soudainement n’offrait aucune perspective réjouissante. Le sol était désormais stérile, et ce, pour une éternité. Il ne lui restait qu’une seule consolation en attendant la fin des temps : jardiner pour tenter de retrouver cette connexion divine.
Elisabelle se leva alors, s’avança vers le potager et s’agenouilla devant quelques squelettes de radis, puis dans une ultime prière, se mit à gratter la terre avec frénésie jusqu’à sentir l’odeur de dieu.
Alice de Castellanè
Script : Terre de la terre (court métrage)
Distribution :
— Et arôme de pêche-coriandre pour celui-ci. Qu'en pensez-vous ?
— Je déteste la coriandre. Je cherche quelque chose de plus léger, plus fleuri.
—Alors notre collection d'été devrait vous plaire. Elle nous a été inspirée par des imprimés champêtres. Sachez aussi que nous préparons déjà la version automnale, fragrance boisée et truffée.
Albert, accoudé avec grâce à l'un des pré
Mon buste contre ton torse, imberbe, fraise amidonnée, me caresse sous le froufrou des dentelles. Ton nez camus flaire l'affaire, pluie d'or et d'argent. Nos caissettes débordent. Jouissance entre tes longs doigts d'artiste. L'amour m'ensorcelle, mes robes tournoient, éclat opalescent. Nos reflets éclaboussent, ricochent. Abondance, magnétiques attraits, le monde à nos pieds.
Puis s
« Un ! »
La lumière fusa en mille petits éclats argentés, prismes de pacotille dans lesquels Pauline sombra. Perceptions intensifiées. Aveuglement. L’irradiation l’éclaboussa et sa raison se fendilla de toute part. Un fragment lui heurta le cœur : maman ! pour retomber, déchu, dans le voile de neige cotonneux.
« Deux ! »
Un éclair d'u