Il y a celles, gracieuses et légères, devant qui la barrière s'ouvre, avant même qu'elles n'aient eu le temps de ralentir leur marche vers le bonheur. Il y a celles, posées, qui s'arrêtent un instant, le regard tourné vers l'espoir et devant qui l'avenir se prosterne.
Mais il y a aussi des Sonia et des Louise. De celles qui ont versé tant de larmes, mais qui ont eu foi en leur destinée, à qui un jour, c'était certain, le ciel allait offrir ce cadeau tant désiré, qui mois après mois, ont vécu au rythme des pulsions de l'attente, de fous espoirs, à la recherche d'indices qui soulèveraient à jamais ce voile les maintenant dans leur non-état, de sursis encore, de déchirements devant l'échec, de pleurs toujours. Un jour, un matin, alors que justement, cette fois-ci, elles n’en pouvaient plus d’espérer — tant de souffrance pour si peu de fortune — un matin, les dieux ont souri, la barrière s'est ouverte et sans même faire un pas, sans vraiment réaliser, elles se sont sues enceintes.
Le soleil a alors lui, indéfiniment, jour et nuit ; ce fut un matin immuable, un bonheur intense, une béatitude dont elles n'avaient jamais imaginé l’étendue divine. Elles se retrouvaient enfin parmi celles qui portent la vie, une caste à part, vénérée de toujours par les Hommes. Un passage obligé, banal, si normal. Normalité qui rend suspectes toutes femmes qui refusent d'accéder à cette félicité. Normalité qui défient celles qui n'y arrivent pas malgré leurs criantes envies : « Tu n'y crois pas assez ! », « C’est la preuve que tu ne veux pas vraiment ! », « Il n'y a pas assez d'amour dans votre couple ! ».
Les voilà donc femmes de plein droit, admises au rang de Mère, légitimée.
Ce matin s’est perpétué quelques jours, des semaines ou de longs mois. Elles bénissaient les déesses de la fertilité, Isis, Gaïa ou Inanna, caressant leurs ventres, berceau fragile de leurs espérances, composant un bébé joufflu, priant pour qu'il naisse dans la sérénité, le voyant courir joyeusement vers son père, tomber, se relever, apprendre, se nourrir de sourires, le dévorant sous leurs baisers. Ce petit être avait envahi tout leur univers. Elles se promenaient, fières, leurs ventres protégés par leurs mains, souriant d’un air entendu à toutes les futures mères, s’émerveillant devant une brassière, tricotant de minuscules chaussons.
Et puis un jour ou une nuit, le matin se fut. La douleur les arracha à leurs chimères, les foudroyant sur place. Tout en elles refusait de croire que le soleil s'était éteint à jamais. « Docteur, docteur, dites-moi, ce n'est pas fini ? dites-moi, le voyez-vous encore ? » Mais le docteur ne vit rien, rien qu'un ventre vide, une immensité désertique, le néant, la mort. À nouveau stérile.
Leur regard, jusque-là tourné vers le fruit de leurs entrailles, s'éleva alors vers le ciel constellé d'étoiles où la nuit luisait pour toujours et pour l'éternité, à la recherche de leur petit ange, une lueur parmi tant d’autres dans le firmament des mères abandonnées des dieux.
Alice de Castellanè
Le train glissa en silence dans la lumière diffuse du mitan, abandonnant Cathy sur le quai désert. Décontenancée par l’absence de signalétique, elle farfouilla dans son sac et en ressortit la précieuse photographie. C’était bien ici, elle ne s'était pas trompée : le même village étincelait en face d'elle, sur la colline. Rassérénée, elle entreprit de gravir d’un bon pas la faible côte.
— Ladiez and gentlemen, diz way pleaz !
Oh bonne mère ! Si un jour, on m'avait dit que le purgatoire c'était ça ! Cela doit bien faire cinq cent ans et des brouettes que je hante nuit et jour cette cathédrale et en toute honnêteté, les quelques années précédentes ont été les plus difficiles. Cette guide-là doit être à l'évidence la dernière épreuve que Saint-Pierre m'envoie avant de m'ouv
Mon buste contre ton torse, imberbe, fraise amidonnée, me caresse sous le froufrou des dentelles. Ton nez camus flaire l'affaire, pluie d'or et d'argent. Nos caissettes débordent. Jouissance entre tes longs doigts d'artiste. L'amour m'ensorcelle, mes robes tournoient, éclat opalescent. Nos reflets éclaboussent, ricochent. Abondance, magnétiques attraits, le monde à nos pieds.
Puis s
Il a joué. Il a perdu. Mais ne le sait pas encore. Les dés, c'est surprenant parfois. On croit aux chimères qu'ils véhiculent, au soleil les jours de pluie, aux miracles les nuits d’ennui.