Mon amour,
Sais-tu combien tu m'as rendue heureuse chaque jour, chaque minute qui s'est écoulée depuis que nous nous sommes croisés pour la première fois il y de ça vingt-cinq ans, dans ce supermarché démesuré où nous étions tous les deux un peu perdu ? Le sais-tu ?
Nous n'étions déjà plus de première fraîcheur, toi et moi, mais puisque la vie commence à soixante ans, nous l'avons croquée à pleines dents. Pas un seul jour ne s'est envolé sans que tu me fasses rire. Tu savais m'écouter, me consoler ou m'encourager. Nous avions des projets de jeunes gens et nous avons eu la chance de pouvoir les réaliser, ensemble. Je te prenais la main quand la force te faisait défaut. Tu me caressais la joue quand tes pensées s'arrêtaient en route, quelque part.
Tu te rappelles ce calendrier de l'avent que tu m'avais préparé, rien que pour moi ? De jolis petits sacs de tissus reliés par une ficelle tendue dans la salle à manger. Des pochettes surprises remplies de friandises et de gentillesse, des mots doux et des plaisirs. Mais je mélange tout. Ça, s'était avant, bien avant que ton cœur soit le seul encore capable de parler, avant que ton esprit ne se soit évadé dans un monde où je n'ai plus eu accès.
Mais moi aussi, maintenant, je m'égare un peu. Perdue dans la brume des souvenirs. Celui de ce vieil ami à toi que tu avais retrouvé sur le parking de la grande surface, le jour de notre rencontre. Celui de cet inconnu qui s'était invité à notre mariage. Celui de cet aide-soignant qui était venu à domicile nous aider quelques mois.
Mon amour, il m’a semblé t’avoir vu mourir hier au soir. Je ne sais plus. Est-ce important ? Tu es vivant dans mon cœur et je vais te rejoindre tout bientôt. Patience.
Sissi, ta femme pour la vie éternelle !
Alice de Castellanè
C'était main dans la main que Louise et Charles prirent à l'aube le chemin de la plage. Charles déposa son marcel sur la barrière de bois blanc qui ceignait leur modeste logis de vacances.
Ils marchèrent un peu, jusqu'à resse
Je t'attends. Tu pars, mais je serai là, sur ce banc, à ne penser qu'à toi, mon cher mari.
La ferme végète. Par manque d'hommes, de chevaux, tous au front à maîtriser l'ennemi.
Mais le potager et le verger ne nous ont pas délaissés.
Je peux nourrir le petit Paul et donner mon lait à notre Yvette qui ne connaît pas encore tes bras valeureux.
Le télégramm
[Jon] Mon job est à chier !
[Charly] Tu fais quoi ?
[Jon] Je collecte les données émises par les smartphones, les télés et même les frigos. Pfff !
[Jon] Alors que mon père, lui, il vivait des « Aventures ». T’sais qu’il a fait du trapèze volant dans un sous-marin ?
Vert ! c'est ça, vert. Jamais ce mot n'aurait dû sortir de sa bouche, elle avait tenté de le ravaler aussitôt, fermant ses lèvres avec la paume de ses deux mains ; l'avait-il entendu ? À l’évidence. Il entendait tout, notait tout sur son petit carnet noir. Pourquoi ce mot avait-il jailli avec la brutalité d’une explosion, un bouchon de champagne qui saute, une bouteille qu'on aurait trop secoué