Mon amour,
Sais-tu combien tu m'as rendue heureuse chaque jour, chaque minute qui s'est écoulée depuis que nous nous sommes croisés pour la première fois il y de ça vingt-cinq ans, dans ce supermarché démesuré où nous étions tous les deux un peu perdu ? Le sais-tu ?
Nous n'étions déjà plus de première fraîcheur, toi et moi, mais puisque la vie commence à soixante ans, nous l'avons croquée à pleines dents. Pas un seul jour ne s'est envolé sans que tu me fasses rire. Tu savais m'écouter, me consoler ou m'encourager. Nous avions des projets de jeunes gens et nous avons eu la chance de pouvoir les réaliser, ensemble. Je te prenais la main quand la force te faisait défaut. Tu me caressais la joue quand tes pensées s'arrêtaient en route, quelque part.
Tu te rappelles ce calendrier de l'avent que tu m'avais préparé, rien que pour moi ? De jolis petits sacs de tissus reliés par une ficelle tendue dans la salle à manger. Des pochettes surprises remplies de friandises et de gentillesse, des mots doux et des plaisirs. Mais je mélange tout. Ça, s'était avant, bien avant que ton cœur soit le seul encore capable de parler, avant que ton esprit ne se soit évadé dans un monde où je n'ai plus eu accès.
Mais moi aussi, maintenant, je m'égare un peu. Perdue dans la brume des souvenirs. Celui de ce vieil ami à toi que tu avais retrouvé sur le parking de la grande surface, le jour de notre rencontre. Celui de cet inconnu qui s'était invité à notre mariage. Celui de cet aide-soignant qui était venu à domicile nous aider quelques mois.
Mon amour, il m’a semblé t’avoir vu mourir hier au soir. Je ne sais plus. Est-ce important ? Tu es vivant dans mon cœur et je vais te rejoindre tout bientôt. Patience.
Sissi, ta femme pour la vie éternelle !
Alice de Castellanè
Je suis morte. Anéantie, je n'existe plus. Mon corps est autre. Souillée.
Le week-end avait pourtant commencé sous d'heureux auspices.
Nous étions tous très beaux, nantis de soieries et dentelles. « Luxe, calme et volupté. » Nous étions jeunes, nous étions là pour nous amuser, boire et danser, voire plus si entente. Si entente.
Le cadre, un jeu
Paris, le 21 septembre 1897
Monsieur,
Où trouvé-je la force de commencer cette lettre par un cérémonieux « Monsieur » ?
— Ladiez and gentlemen, diz way pleaz !
Oh bonne mère ! Si un jour, on m'avait dit que le purgatoire c'était ça ! Cela doit bien faire cinq cent ans et des brouettes que je hante nuit et jour cette cathédrale et en toute honnêteté, les quelques années précédentes ont été les plus difficiles. Cette guide-là doit être à l'évidence la dernière épreuve que Saint-Pierre m'envoie avant de m'ouv
Aussi loin que je me souvienne, j'ai vécu dans l'ombre de lugubres boyaux sous-terrains. Nauséabonds. Je ne sus jamais pourquoi je fus le seul de ma famille à en souffrir. Jour et nuit, à en avoir la nausée.