Ma chériiiiie ! tu vois, c'était un sublaïme après-midi de septembre, le temps idéal pour faire du shopping, pas trop chaud, pas trop froid, juste parfait. Alors, la nana, une blonde canon, mais ca-non, je te dis, un « 8 » parfait, probablement la petite cinquantaine, mais franchement, je te juuuuure, on ne lui en donnerait pas plus que quarante.
Elle s'est installée près de la fenêtre, a mis ses jambes en valeur, oh et ses chaussures, je ne t'ai pas parlé de ses chaussures ? Bon, bon, une autre fois, d'accord ! Alors, elle était assise là à siroter tranquillement son latte, quand un jeune homme s'est approché et lui a demandé l'heure. Tu vois Cannes ? Tu vois Hollywood ? C'est lui ma chérie ! La chance, je te jure !
Et bang ! le serveur est arrivé comme Zorro, s’est planté entre les deux et l’a renseigné. Non, mais non, mais non, mais non ! ce n'est pas pos-si-ble ! Heureusement, la femme a renvoyé le serveur illico derrière son comptoir et a sauté sur l'occasion pour inviter le demi-dieu à sa table. Mais non, pas Roberrrto, le jeune inconnu, faut suivre ma chérie !
Bon, je ne sais pas de quoi ils ont causé, mais ils semblaient bien s'entendre. Ils sont restés des heures là, à siroter des macchiato et déguster des macarons. Ma chériiiie, t'as goûté ceux framboise-romarin ? Une tuerie, je te dis. Ceci dit, je ne sais pas comment elle fait pour rester mince avec tout ça. Elle doit avoir un métabolique spécial.
Et tu sais quoi, ma chérie ? Ils sont repartis ensemble ! Je les ai vus aller au Jardin botanique et c'est là, bang ! qu'ils sont tombés sur le mari. Oui, son mari à elle ! Hyper bien zappé, un costume de chez Julien Scavini, grand, très bien conservé. Mais bon, la coloration comme ça, noire, avec sa tête qui affiche quand même un certain chiffre au compteur, ça ne va pas, mais pas du tout ! C'est la cerise sur le pompon, je te jure.
Oh lalaaaa lalaaaaaaaaaa, mais tu ne devineras jamais qui le mari tenait dans ses bras ? Une toute jeune femme. Mais c'est l'horreur ! C'est pas possible ses sourcaïls, c'est la forêt amazonique. Aucun staïle, un long pull qui couvrait toute sa silhouette, un « H » probablement, alors qu'elle aurait pu être jolie. Ah non, mais là il faudrait tout changer ! Et son maquillage, my god ! On aurait dit qu'elle s'était tartinée avec le reste du petit-déj. Il faut dire qu'elle avait pleuré et que ça avait tout barbouillé. Oui, ma chérie, je sais qu'elle avait pleuré, parce qu'elle avait les yeux rouge ! Même quand on ne sait pas se maquiller, on ne se met pas du rouge sur les yeux. Un premier vrai chagrin d'amour apparemment. Pauvre petiote, heureusement que sa famille était là pour la soutenir.
Quoi, mais qu'est-ce que tu avais imaginé ? Un jour, ça va te jouer des tours ma chérie. Bien sûr, c'était son père et sa mère. Et le jeune homme ? son frère, évidemment. Oh lalaaaaaa lalaaaa, mais ma chériiiiie !
Alice de Castellanè
À l'heure de none, dans ce jardin provençal que rien ne distingue, où santolines et lavandes fusionnent en un écrin d'ocre et d'améthyste, le temps de la sieste s'étire imperceptiblement.
La pluie tombe d'une langueur monotone. J'avance au rythme de mon frère qui me précède d'un pas imperturbable. Les gouttes cabriolent à mes côtés, me percutent, dansent sur mon dos.
Anaïs déploya ses petits bras trop maigres, prête à s'enfuir. Elle les agita, mimant l’envol d’un oiseau.
Qu'attendaient-ils là haut ?
Pour ne pas flétrir cette aura de zénitude qui l'enveloppait, elle glissa sur le faux sable devant l'hologramme de plage ensoleillée. Ses jambes, deux baguettes fragiles, la soutenaient dans une danse évanescente. Tout
Le train glissa en silence dans la lumière diffuse du mitan, abandonnant Cathy sur le quai désert. Décontenancée par l’absence de signalétique, elle farfouilla dans son sac et en ressortit la précieuse photographie. C’était bien ici, elle ne s'était pas trompée : le même village étincelait en face d'elle, sur la colline. Rassérénée, elle entreprit de gravir d’un bon pas la faible côte.