
Son univers craquelle, un capharnaüm multicolore s’épand puis s’ébat dans sa tête. Il hurle, se déchire les tympans. Comment a-t-elle pu l’abandonner, seul, dans ce désert peuplé de loups hargneux ? Des dragons venus d'outre-tombe le harcèlent, l'ensorcellent, l'agrippent de toute part. Des nuances de rouge, de gris s’entremêlent devant ses yeux. Les ombres l’embrochent.
Il a dû s'endormir, épuisé d'avoir tant lutté. Il s'étonne, ne la retrouve pas à ses côtés. Puis se souvient : elle est partie. Sans lui. Le bazar tournoie à nouveau dans sa tête. Un hurlement de désespoir se forme dans sa gorge puis s'étouffe, s'arrête. Il vient d'entr'apercevoir un visage dans le brouillard. Une femme. Serait-elle revenue ? Il tente d'ajuster sa vision, crispe le cou, puis se recouche, las. Ce n'est pas elle. Celle-là, c'est Marie, croit-il. La mère suprême, celle que l'on peut implorer en toute circonstance. Il se concentre sur la statuette. Elle est belle. Presque aussi belle que celle qui ne veut plus de lui. Il lui sourit. En retour, Marie l'enveloppe d’un parfum d’extase. Des mains de l’idole s’étirent de longues traînées d’une aveuglante lumière qui se répand dans son âme. Il se sent léger, repu d’amour. Une bienveillance mystique l’enrobe, bouclier universel contre la sauvagerie de ce monde. Entre eux, c'est à la vie, à la mort. Plus rien ne les séparera. Même pas l'autre, si elle décide de réapparaître.
— Dis donc chérie, viens voir, il est réveillé, mais il ne chouine pas pour une fois. Ça a marché ton truc !
— C’est le Dr Mazzo qui recommande cette technique : le laisser pleurer, tout seul, dix ou quinze minutes. Après, il a compris, il ne t’emmerde plus !
Mon ange, mon trésor, mon lapin, on a fait un gros dodo ? Allez, viens dans les bras de maman ! Smac, elle le couvre de bisous, oups ! va falloir que je change ta couche !
Les yeux dans ceux de Marie, il se laisse manipuler, indifférent.
Alice de Castellanè
Commencez par découper 2 bouvreuils en 6 morceaux, éventuellement après les avoir plumés, vidés et étêtés (selon vos goûts personnels).
Mettez-les à mariner dans une émulsion éburnéenne que vous aurez réalisée au préalable avec 50 cl de lait de coco, 2 feuilles de curry (Kaloupilé), 1 petit piment rouge coupé en deux et épépiné et quelques grains de poivre.
Saint-Rémy de Provence — Janvier 1894
Augustine serrait dans ses grosses mains rêches de paysanne la vieille corde de chanvre qui servait d'ordinaire à hisser les bottes de foin dans le grenier. Elle la tournait et retournait, comme pour en tester la solidité, alors qu'en réalité, elle testait son propre courage.
Le train glissa en silence dans la lumière diffuse du mitan, abandonnant Cathy sur le quai désert. Décontenancée par l’absence de signalétique, elle farfouilla dans son sac et en ressortit la précieuse photographie. C’était bien ici, elle ne s'était pas trompée : le même village étincelait en face d'elle, sur la colline. Rassérénée, elle entreprit de gravir d’un bon pas la faible côte.
La partie de boules s'éternisait sous un soleil qui ne faiblissait guère. Le Marcel avait dû se coltiner le Parigot qui jouait comme on joue aux billes, en s'amusant. Il ne prenait jamais rien au sérieux et la série de pastis qu'il venait d'ingurgiter avec des glaçons — oh pauvre — n'arrangeait en rien ses affaires.