Un dernier coup de reins, et son quota atteint, il pourrait enfin se reposer. Cinq minutes que Ssaxy s'échinait sans grande passion, l'œil vissé sur cette horrible suspension hétéroclite. Les fils métalliques vacillaient sous le souffle des participants. Ils vibraient sous leurs cris rauques, se trémoussaient sous la brise des va-et-vient lascifs, brillaient quand l'un d'entre eux parvenait à la jouissance.
Allez, il devait se motiver, l’issue approchait. Ssaxy reprit le contrôle de son corps, se concentra sur l'image holographique qu'il avait choisie pour cette session : une fille, jeune, filiforme, jambes interminables, buste menu et volumineuse crinière bouclée d'un roux cuivré. Il resserra le rythme, s'accrocha aux poignées de cuir, poignées d'amour, se laissa envahir par ses fantasmes. Cela devenait de plus en plus difficile. Son temps était compté, il en était conscient. Quel serait son prochain job ? Il rêvait d’un plan peinard, entre trombones et séminaires dans les lunes. Comme s'il avait le pouvoir de décision ! Veine chimère.
Il secoua la tête. Ne pas se disperser, sa verge se ramollirait et tout serait à recommencer. Pourtant, le vagin en élastomère silicone à réticulation était, paraissait-il, aussi doux, aussi chaud et humide que la version originale. Peut-être aurait-il dû sélectionner un autre hologramme ? Mais son préféré — une brunette à lunette — ne semblait plus fonctionner. Il avait espéré qu'un peu de changement l'aurait lutiné. Malgré les pilules bleues qu'on le forçait à avaler, il avait la forme en berne. Autour de lui, ses collègues avaient presque tous terminé. L'on entendait que quelques bruyants soupirs, un cri ici ou là. La suspension, témoin de leur production, ne vibrait presque plus. Il devait se bouger les fesses s’il ne voulait pas finir bon dernier.
Il ferma les yeux, fit place nette dans sa tête. Toile blanche. Des éclairs bleutés zébrèrent sa vision. Un frisson électrique transperça son épine dorsale. Un halo d'or d'une brève intensité éclaboussa sa trame. Ses cuisses le brûlaient. Un astre rougeoyant emplit son torse, se dispersa autour de lui. La température grimpa d'un degré. Ssaxy crispa les paupières. Ça venait. Plus rien ne pouvait le retenir. Il stoppa net, jouit de cet instant de plénitude, les muscles tendus en arc. Des vibrations sourdes remontèrent le long de ses jambes, de ses bras. Son cou pulsa, son bas ventre devint bois. Une dernière saillie, il buta contre le fond du réceptacle avec toute la puissance contenue en lui. Son corps, supernova, explosa en mille et une étincelles. Il ne put voir la suspension s'éclairer comme Vega tant il était encore pris dans la tourmente. Mais il sut qu'il avait accompli sa mission à la perfection.
Ssaxy reprit son souffle, ouvrit les yeux et contempla avec stupéfaction le compteur électrique : trois mega watt ! Il venait de pulvériser le record absolu.
Ragaillardi, Ssaxy retourna à son pod un sourire extatique rivé sur ses lèvres. Il se glissa avec délice dans un bain chaud parfumé et rechargea ses batteries pour la session du lendemain. Comme toujours, il eut une pensée émue pour ses collègues qui s’échinaient à la Centrale à Énergie Sexuelle. Sans eux, la vie sur Dörving et ses deux lunes n’aurait vraiment rien d’enviable.
Alice de Castellanè
Peut-être était-ce un lundi, à moins que ce ne fût un mardi. Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg n'avait qu'une idée très vague des marques du temps. Il croyait se rappeler que l'on était en septembre, et encore, parce que c'était la fin du mois et qu'il avait eu le temps de s'y habituer.
D'un trait vif, il esquissa les yeux fatigués de Louise. Il redonna à sa silhouette pesante, alourdie par les aléas de sa morne existence, une seconde vie.
Coordonnées GPS : 25.350914 x -32.460983
Rue du Général Fouettard – www.CafeMachin.com – 09 14 24 22 55
Le Café Machin est une petite merveille de l’architecture mixte du dernier millénaire. Son charmant intérieur allie néo-brocantage et philipp-starckisme avec beaucoup de talent.
Saint-Rémy de Provence — Janvier 1894
Augustine serrait dans ses grosses mains rêches de paysanne la vieille corde de chanvre qui servait d'ordinaire à hisser les bottes de foin dans le grenier. Elle la tournait et retournait, comme pour en tester la solidité, alors qu'en réalité, elle testait son propre courage.