Script : Terre de la terre (court métrage)
Distribution :
Bande-son : « Chocolat » de Rachel Portman
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1. Int/Jour - Bureau de Nathan
L’œil de NATHAN (25-30 ans), fixé sur une boule à neige en verre, scrute les moindres détails du jardin de plastique. Sa main berce le globe faisant naître quelques flocons.
Nathan (voix off)
Sur Terre, la neige tombait parfois, enveloppant les plantes dans un cocon hivernal, dormance nécessaire pour renaître au printemps, se lancer dans d'exubérantes arabesques foliaires et enfin, fournir la semence du renouveau.
[…]
Je n'ai pas connu cette Terre-là. L'odeur de l'humus, le grésillement des insectes ou la chaleur du soleil sur ma peau. Ce n’était que dans les yeux pétillants de ma grand-mère que j'ai découvert ces délices
2. Ext/Jour - Jardin de plastique
La neige finit de tomber sur le jardin de plastique
3. Ext/jour - Jardin potager À l’ancienne
Un papillon virevolte de plante en plante dans un exubérant potager sur buttes. Chaque millimètre de terre est occupée par de foisonnants végétaux : légumes, aromatiques, fleurs et laitues montées en graine.
Une jeune femme (30-35 ans), JULIA, coupe les têtes des modestes fleurs jaunes de salade pour les déposer dans un grand saladier.
Nathan (voix off)
Grand-mère était une espèce en voie de disparition. Alors que le monde s'affairait autour d'elle, accroché avec furie aux dernières technologies, aux gadgets électroniques du moment, elle jouissait de son jardin, réapprenait les valeurs ancestrales de la récolte et de l'échange de graines, source de biodiversité et d'adaptabilité.
Un petit garçon (7-10 ans), GUILLAUME, arrive en courant et rejoint Julia. Il plonge avec délectation ses mains dans le saladier pour en humer les inflorescences.
Julia
Elles n’ont pas d’odeur Guillaume ! Ce sont des fleurs de laitue. Tu vois, c’est la salade qui a fleurit !
Guillaume
Mais alors, si ça sent rien, pourquoi tu les cueilles, maman ?
Julia
Regarde, là, dans le calice, tu vois ces graines allongées ? Cette salade a produit une centaine de fleurs et chaque fleur fournit une dizaine de semences. Chacune d'entre elles pourra engendrer à son tour un plant de laitue.
Guillaume
Et tu vas les semer quand ?
Julia
On ne va pas les semer tout de suite. On va les conserver avec beaucoup de précautions jusqu'au printemps prochain. Tu viens m'aider à les mettre dans des sachets ?
Guillaume suit sa mère à l'intérieur de la maison.
Le papillon s’envole en direction du soleil.
4. int/Jour - Cellier de Julia
La mère et le fils, tête contre tête, trient, emballent et classent les graines de laitue. Derrière eux, sur des étagères, on peut apercevoir de nombreuses boîtes en fer blanc. L'une d'entre elles est ouverte et contient des enveloppes identiques à celles utilisées par Julia.
Un vieux monsieur (70-75 ans), LE PATRIARCHE, tout de noir vêtu, barbe fournie, apparaît soudain devant eux.
Le patriarche
Mes amis, ce que nous redoutions tant est arrivé. L'heure est venue pour nous de quitter notre planète mère, la Terre. Vous le savez, malgré l'incertitude de notre voyage, c'est un privilège que d'avoir été sélectionné pour partir. Ceux qui resteront ici n'auront que peu de chance de survie.
Julia
(en serrant son fils dans ses bras)
Oui, nous savons tout cela, et nous sommes prêts. Les graines sont toutes là et tu peux donner l'ordre d'embarquer le contenu des composteurs ainsi que toute la terre des buttes du potager. Tout ce que vous pourrez prendre. C'est important.
Le patriarche approuve d'un petit signe de tête et sort. Julia embrasse son fils avec la tendresse du désespoir.
Julia
Puisse Dieu nous venir en aide !
5. Ext/Nuit - ciel ÉtoilÉ
Nathan (voix off)
Le voyage intersidéral dura près de cinquante ans. De fort longues années que ma grand-mère mit à profit pour transmettre à son fils toutes ses connaissances. Elle fit renaître laitues, aubergines, radis, poireaux, concombres ; tous ses trésors. Elle les fit vivre et revivre éternellement sur sa précieuse terre riche en humus, dans un écosystème artificiel et clos. Au fil des générations, les graines s'adaptèrent à leur milieu.
[…]
Je naquis entre les étoiles et j'appris de mon père l'histoire de la Terre et le savoir de sa mère.
6. int/jour - jardin luxuriant
Dans un immense jardin luxuriant, un papillon s'ébat entre hautes tiges de maïs, plants de tomates agrippés à une tonnelle et buissons de romarin.
Nathan (voix off)
Les premières années de notre installation sur Xeon furent difficiles. Les plantes durent négocier un tournant majeur dans leur adaptabilité. Grâce à leur patrimoine génétique varié, elles surent tirer parti, avec brio, de cet environnement hostile.
7. Ext/nuit - Champ de dÔmes
Ce paradis de verdure est protégé par un dôme majestueux, telle une boule à neige. Coupole anonyme au milieu de centaines d'autres sphères posées sur un désert d’ocre et de basalte.
Nathan (voix off)
Le capitaine de l’expédition avait fait appel aux dernières biotechnologies pour cultiver sur Xeon la nourriture des exilés. Pourtant, aucune des graines sélectionnées avec soin et conservées dans l’azote par l'INRA et Monsanto ne put produire autre chose que de chétives hampes grises. La science fit mourir ses enfants de faim.
8. int/Nuit - DÔme abandonnÉ
Tous les autres dômes ne contiennent que des débris végétaux, maigres chaumes, paillettes de foin. Un désert dans le désert.
Nathan (voix off)
Sur les centaines de milliers de colons, ma famille fut la seule à voir ses plantes prospérer. Hélas, l’homme reste un loup et les fils et filles de la Terre s'entretuèrent avec une insatiable avidité.
[…]
À ce jour, je suis l’unique survivant de Xeon.
9. int/jour - jardin Luxuriant
Nathan erre comme une âme en peine au milieu d'un verger croulant sous des fruits gorgés de sucre.
Alice de Castellanè
Anaïs déploya ses petits bras trop maigres, prête à s'enfuir. Elle les agita, mimant l’envol d’un oiseau.
Qu'attendaient-ils là haut ?
Pour ne pas flétrir cette aura de zénitude qui l'enveloppait, elle glissa sur le faux sable devant l'hologramme de plage ensoleillée. Ses jambes, deux baguettes fragiles, la soutenaient dans une danse évanescente. Tout
C'était Mathilde qui avait eu l'idée du jeu. Le premier qui voyait un chapeau à fleurs pinçait l'autre. Après de longues minutes désertiques, ils durent accepter l'évidence, de nos jours, plus personne ne portait ce genre de couvre-chef. Lucien suggéra alors les chaussures à bout pointu. Mais leur vue décadente à tous les deux rendit le repérage athlétique. Ils se penchaient, mains en visi
Le doigt d'Odette venait de se coincer entre le K et le L. Son bref cri de désolation se fondit dans la tourmente des cliquetis. Sa voisine hissa un sourcil compatissant sans tourner la tête, toute à sa missive qu'elle déployait staccato presto.
Il a joué. Il a perdu. Mais ne le sait pas encore. Les dés, c'est surprenant parfois. On croit aux chimères qu'ils véhiculent, au soleil les jours de pluie, aux miracles les nuits d’ennui.