Elle vit dans son trou, comme on vit dans une tombe. Personne ne vient la voir, ou si peu. Même le soleil ne luit plus dans sa boutique. Sur les étagères, des rouleaux de tissus sombres, d'une autre époque, de lourds velours, des gris, du brun, rien de chatoyant.
Elle vit dans son trou, dans l’odeur de vieille cire, de cuir et du manque d’argent. De poussières surtout, particules de mémoire sans oubli.
Elle vit dans son trou et elle marmonne nuit et jour. Ses yeux, habitués aux couleurs sombres de sa palette d'intérieur, ressortent comme deux grosses billes dans son visage bouffi par l'inactivité. Et la maladie peut-être. On l'appelle la vieille chouette. Les jeunes mères menacent leurs petits, s’ils ne sont pas sages. Mais elles sont les premières à en avoir peur.
Elles se seraient bien laissées tenter par un ruban ou un bouton, une dentelle parfois. C'est si pratique d'avoir une mercerie au village. Pourtant aucune d'entre elles n'a jamais osé franchir le seuil.
La vieille chouette se tient quelquefois dans la vitrine, derrière une pile de draps rongés par les mites. Rongée, elle aussi, de l’intérieur. Elle perce les passants de son regard de hibou, un regard fâché. Fâché avec la vie.
On prétend qu’elle vend des potions, des sortilèges, le soir venu quand les mères chantent des berceuses à leurs enfants et que seules les filles qui ont fauté se laissent aller à la retrouver. Mais personne ne le sait vraiment. On le dit, c'est tout.
Mais elle ne vend rien. Elle ressasse le passé, ses fils morts à la guerre, tous les trois, son mari, mort de douleur. Elle est restée figée dans les cendres et n'attend que son tour. Dans le silence de sa boutique.
Alice de Castellanè
Chaque jour, à la même heure, je m’alanguis sur le sable doré, une bière-limonade à portée de main, paille et rondelle de citron. Et l’immuable ombrelle de papier.
La crotte de pigeon avait éclaboussé le haut du pare-brise et perlait par paquets vert marron striés jaunasse. Bien entendu, il n'y avait plus de détergent dans le réservoir et l'essuie-glace chuintait sur la vitre en étalant la merde partout.
De monumentales stalactites piquetaient la voûte de l'insondable grotte dans laquelle ils pataugeaient depuis de ce matin. Malgré les puissants coups de rames que Perrette donnait à leur faible embarcation, ils ne paraissaient guère progresser. Alors, pour passer le temps, elle comptait les crevasses et les boursouflures du dôme qui couvrait la mer intérieure qu'ils tentaient, tant bien q
Lieu :
Atelier du peintre, pots de peinture alignés sur le sol, toile format XXL fixée à l’un des murs.
MP3 :
« Dies irae » suivit du « Lacrimosa » (Requiem de Mozart).
Ambroise, le peintre, sort de sa méditation. La séance de peinture automatique peut commencer. Musique.
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