Elle vit dans son trou, comme on vit dans une tombe. Personne ne vient la voir, ou si peu. Même le soleil ne luit plus dans sa boutique. Sur les étagères, des rouleaux de tissus sombres, d'une autre époque, de lourds velours, des gris, du brun, rien de chatoyant.
Elle vit dans son trou, dans l’odeur de vieille cire, de cuir et du manque d’argent. De poussières surtout, particules de mémoire sans oubli.
Elle vit dans son trou et elle marmonne nuit et jour. Ses yeux, habitués aux couleurs sombres de sa palette d'intérieur, ressortent comme deux grosses billes dans son visage bouffi par l'inactivité. Et la maladie peut-être. On l'appelle la vieille chouette. Les jeunes mères menacent leurs petits, s’ils ne sont pas sages. Mais elles sont les premières à en avoir peur.
Elles se seraient bien laissées tenter par un ruban ou un bouton, une dentelle parfois. C'est si pratique d'avoir une mercerie au village. Pourtant aucune d'entre elles n'a jamais osé franchir le seuil.
La vieille chouette se tient quelquefois dans la vitrine, derrière une pile de draps rongés par les mites. Rongée, elle aussi, de l’intérieur. Elle perce les passants de son regard de hibou, un regard fâché. Fâché avec la vie.
On prétend qu’elle vend des potions, des sortilèges, le soir venu quand les mères chantent des berceuses à leurs enfants et que seules les filles qui ont fauté se laissent aller à la retrouver. Mais personne ne le sait vraiment. On le dit, c'est tout.
Mais elle ne vend rien. Elle ressasse le passé, ses fils morts à la guerre, tous les trois, son mari, mort de douleur. Elle est restée figée dans les cendres et n'attend que son tour. Dans le silence de sa boutique.
Alice de Castellanè
Sa mémoire vacille. Il s'accroche à chaque brin, filaments ténus qui flottent quelque part dans sa tête. Il voit des choses, des flashs parfois ou une lumière diffuse, comme la couleur bleu pâle de la robe d'été de cette jeune fille. Il réfléchit, ne sait plus si son prénom lui a toujours été inconnu ou s’il s'est égaré dans son passé. Il a dû lui susurrer des mots doux, l'appeler de petits nom
(court métrage)
1. Int/Jour – Coffee shop new-yorkais
Café typiquement new-yorkais, grands tableaux mentionnant les différentes boissons, tables hautes, confortables sofas, etc. KEVIN, un jeune homme (18-22 ans) est assis à l’une des tables rondes traditionnelles en face de SOFIA, jolie quinqua, blonde. Ils boivent un
Aussi loin que je me souvienne, j'ai vécu dans l'ombre de lugubres boyaux sous-terrains. Nauséabonds. Je ne sus jamais pourquoi je fus le seul de ma famille à en souffrir. Jour et nuit, à en avoir la nausée.
Pièce en 1 acte
Le foyer des artistes, derrière la grande scène de l’Opéra de Paris. La pièce est nue, sauf quelques chaises çà et là. Six ou sept danseuses en tutu vont et viennent sur la scène, s’étirent, font des pauses, des mines. Au fond, côté jardin, trois hommes distingués, en habit noir et haut de forme les admirent ou les jugent.