Les mains en éventail devant elle, Victoire de Nostredame sniffait l’air par touchettes : cuirs cabossés, parchemins racornis, sueurs de copistes. L’archiviste l’avait sermonné, ne manipuler que le strict nécessaire.
Le Grand Pentacle de Salomon, même dilué dans les grisures du temps, portait en lui toute sa puissance. Elle tira de son sac un feuillet de vélin jauni qu’elle plaça juste en face. Un coup d’œil, simple contrôle, aligner, comparer : la symbolique était désormais complète.
D’un murmure, elle appela à elle une spirale enveloppante, carapace protectrice des forces maléfiques. Car Victoire s’apprêtait à dompter toutes les créatures terrestres, à la gloire de son immortelle famille ! Elle se hissa sur la pointe des orteils, inspira les énergies ancestrales et tendit ses bras à l’horizontale :
Et dominabitur a mari usque ad mare
et a flumine usque ad terminos orbis terrarum
Aucune lumière ne jaillit. Aucun martèlement ne sortit des ténèbres. « Dommage, se dit-elle, j’aurais bien vu un peu de spectacle ! » Puis, soudain, la pièce se mit à tournoyer et ses repères se fondirent dans un océan de sens en perdition. Elle qui fut Victoire de Nostredame, dernière héritière du plus grand devin de l’histoire venait de se réincarner en vulgaire souris.
Elle se crut morte. Une terrible prostration la coucha sur le sol. Puis, une colère monstrueuse submergea son petit corps. Comment avait-elle pu rater ça ? La pression qui reposait sur elle avait dû être trop forte. Et mince, flûte et zut ! Elle s’en fut trouver, claudiquant, une sortie à sa taille.
Alice de Castellanè
Paris, le 21 septembre 1897
Monsieur,
Où trouvé-je la force de commencer cette lettre par un cérémonieux « Monsieur » ?
Ce n’est qu’arrivé au centre de l’allée « Conserves et condiments » que le vieux Matthieu se rendit compte qu’acheter une boîte de petits pois allait s’avérer plus complexe qu’il ne le l’avait imaginé.
Je t'attends. Tu pars, mais je serai là, sur ce banc, à ne penser qu'à toi, mon cher mari.
La ferme végète. Par manque d'hommes, de chevaux, tous au front à maîtriser l'ennemi.
Mais le potager et le verger ne nous ont pas délaissés.
Je peux nourrir le petit Paul et donner mon lait à notre Yvette qui ne connaît pas encore tes bras valeureux.
Le télégramm
Pièce en 1 acte
Le foyer des artistes, derrière la grande scène de l’Opéra de Paris. La pièce est nue, sauf quelques chaises çà et là. Six ou sept danseuses en tutu vont et viennent sur la scène, s’étirent, font des pauses, des mines. Au fond, côté jardin, trois hommes distingués, en habit noir et haut de forme les admirent ou les jugent.