C'était main dans la main que Louise et Charles prirent à l'aube le chemin de la plage. Charles déposa son marcel sur la barrière de bois blanc qui ceignait leur modeste logis de vacances.
Ils marchèrent un peu, jusqu'à ressentir le souffle de la mer sur leurs doigts. Ils laissèrent l'odeur des algues et du sel recouvrir leur peau nue. Ils se firent face, leurs regards se faisant miroir, pour ne plus rien voir d’autre. Par un doux mouvement de balancier, telle une horloge fatiguée, ils s'enracinèrent peu à peu sous les minuscules grains de sable. Un son, une voix abyssale, s'éleva à l'unisson de leurs gorges, puis se mua en un puissant mantra, appel aux forces divines. Le flux et le reflux rythmèrent ce psaume ramené du lointain, ouvrant leurs chakras, abandonnant leurs esprits aux embruns. Ils accentuèrent le bercement de leurs corps en parfaite harmonie.
Si de parasites pensées venaient à s'évader que cela soit vers le futur ou vers le passé, ils les négligèrent sans aucune ostentation ne faisant place qu'au présent, vivant. Le réel, la matière, l'Énergie Vitale habitaient leur chair la plus intime. Ils prirent conscience de chacun de leurs doigts, de chacune de leurs veines, laissant ce flux de vie circuler entre eux pour ne former qu'une seule entité. Unicité.
Leurs corps se rapprochèrent au rythme de leur ondulant tangage, au rythme des vagues, de la brise marine et des précieux mantras qu'ils psalmodièrent avec de plus en plus de vibrations et d'intensité. Leurs bras s'enroulèrent autour l'un de l'autre. Leurs Énergies ne firent plus qu’une, appelant d’un cri déchirant cette nouvelle âme que Louise se prêtait à accueillir en son sein. Seuls au monde, plus rien n'existait, que leurs fibres et leurs souffles unis pour atteindre enfin l’ici et maintenant.
Alice de Castellanè
Paris, le 21 septembre 1897
Monsieur,
Où trouvé-je la force de commencer cette lettre par un cérémonieux « Monsieur » ?
Ils meurent par centaines, par milliers, crucifiés sur les barbelés de nos murs anti-invasions, échoués sur nos plages, largués par des pirogues de fortune, asphyxiés par les gaz d’échappement sous le plancher d’un train routier. Ils meurent par poignées, par grappes, sous les balles que nous avons fabriquées, avec l’argent que nous avons donné à leurs ennemis en échange de quelques litre
Il y a celles, gracieuses et légères, devant qui la barrière s'ouvre, avant même qu'elles n'aient eu le temps de ralentir leur marche vers le bonheur. Il y a celles, posées, qui s'arrêtent un instant, le regard tourné vers l'espoir et devant qui l'avenir se prosterne.
Les flammes vacillantes des torches ruisselaient dans l'Arno, plongeant entre les embarcations. Le regard de Lorenzo se noya dans ce clair-obscur. Accroupi sur la berge, à l'écart de l'antique ponte Vecchio détruit1 et de la foule pressée de regagner ses pénates, il se balançait, irrésolu.