C'était main dans la main que Louise et Charles prirent à l'aube le chemin de la plage. Charles déposa son marcel sur la barrière de bois blanc qui ceignait leur modeste logis de vacances.
Ils marchèrent un peu, jusqu'à ressentir le souffle de la mer sur leurs doigts. Ils laissèrent l'odeur des algues et du sel recouvrir leur peau nue. Ils se firent face, leurs regards se faisant miroir, pour ne plus rien voir d’autre. Par un doux mouvement de balancier, telle une horloge fatiguée, ils s'enracinèrent peu à peu sous les minuscules grains de sable. Un son, une voix abyssale, s'éleva à l'unisson de leurs gorges, puis se mua en un puissant mantra, appel aux forces divines. Le flux et le reflux rythmèrent ce psaume ramené du lointain, ouvrant leurs chakras, abandonnant leurs esprits aux embruns. Ils accentuèrent le bercement de leurs corps en parfaite harmonie.
Si de parasites pensées venaient à s'évader que cela soit vers le futur ou vers le passé, ils les négligèrent sans aucune ostentation ne faisant place qu'au présent, vivant. Le réel, la matière, l'Énergie Vitale habitaient leur chair la plus intime. Ils prirent conscience de chacun de leurs doigts, de chacune de leurs veines, laissant ce flux de vie circuler entre eux pour ne former qu'une seule entité. Unicité.
Leurs corps se rapprochèrent au rythme de leur ondulant tangage, au rythme des vagues, de la brise marine et des précieux mantras qu'ils psalmodièrent avec de plus en plus de vibrations et d'intensité. Leurs bras s'enroulèrent autour l'un de l'autre. Leurs Énergies ne firent plus qu’une, appelant d’un cri déchirant cette nouvelle âme que Louise se prêtait à accueillir en son sein. Seuls au monde, plus rien n'existait, que leurs fibres et leurs souffles unis pour atteindre enfin l’ici et maintenant.
Alice de Castellanè
La crotte de pigeon avait éclaboussé le haut du pare-brise et perlait par paquets vert marron striés jaunasse. Bien entendu, il n'y avait plus de détergent dans le réservoir et l'essuie-glace chuintait sur la vitre en étalant la merde partout.
Il y a celles, gracieuses et légères, devant qui la barrière s'ouvre, avant même qu'elles n'aient eu le temps de ralentir leur marche vers le bonheur. Il y a celles, posées, qui s'arrêtent un instant, le regard tourné vers l'espoir et devant qui l'avenir se prosterne.
Ce n’est qu’arrivé au centre de l’allée « Conserves et condiments » que le vieux Matthieu se rendit compte qu’acheter une boîte de petits pois allait s’avérer plus complexe qu’il ne le l’avait imaginé.
Le doigt d'Odette venait de se coincer entre le K et le L. Son bref cri de désolation se fondit dans la tourmente des cliquetis. Sa voisine hissa un sourcil compatissant sans tourner la tête, toute à sa missive qu'elle déployait staccato presto.