Lieu :
Atelier du peintre, pots de peinture alignés sur le sol, toile format XXL fixée à l’un des murs.
MP3 :
« Dies irae » suivit du « Lacrimosa » (Requiem de Mozart).
Ambroise, le peintre, sort de sa méditation. La séance de peinture automatique peut commencer. Musique.
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Aucun prélude, aucune montée en puissance. [Vivace, forte], l’ire de dieu fond sur Ambroise dès les premières notes de musique, Dies irae, faisant jaillir des torrents de larmes muettes, une colère noire des profondeurs de son âme. En ce jour de jugement dernier, Dieu n'est que Vésuve enflammé. L'artiste lance avec frénésie son pinceau gorgé de rouge sang sur l'immense canevas qui lui fait face. Jets éructant. Brûlures lancinantes. Projections étouffantes. Dies irae, Dies illa. Les cœurs hurlent, la peur au ventre. Le monde se consume comme s'est consumée sa passion pour Roberto. Son amour n'est plus que cendres. Le monde n'est plus que cendres. Solvet saeclum en favilla. Le peintre attrape tour à tour le gris charbon, le gris ténèbres, l'anthracite pierre tombale, envoie [presto, staccato] la peinture de poussière recouvrir sa toile. Solvet saeclum. Roberto, ce colosse au regard mesmérique a piétiné l'innocence de l'adolescent qu'il était. En favilla. Réduit sa vie en poudre. Soumission. « Roberto, tremble devant ton Juge ! » Cri de désespérance, Ambroise plonge les deux mains dans le pot de peinture ébène, les écrase sur le canevas, griffe, froisse. Quantus tremor est futurus. Emporté par la fureur de la passion, la force de Roberto a foudroyé toutes résistances sur son passage. Labouré le cœur du jeune éphèbe. Éteint son espoir d'une vie sage et tranquille. Les timbales percutent, la justice divine frappe sans pitié. Cunta stricte discussurus. Ambroise éponge [presto, crescendo] les larmes de sang, les mêle à la lave, lisse les souillures. Discussurus.
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Les perles coulent dans la voix des cordes, la soprano déchire les ténèbres de son timbre d'ange. Le peintre [lento, pianissimo], reprend son pinceau, recouvre d'ambre la rage désormais éteinte du « Dies irae ». Lacrimosa. Lacrymale tendresse du souvenir. Heures fanées d'une passion destructrice avant même d'avoir été généreuse. Dies illa, ce jour-là, jour de tristesse, souvenirs d’adolescence d’Ambroise, jeune homme-fille aux longs cheveux lisses, qui tremblait d'adoration devant celui qui l'entraîna dans le tourment d'une vie soumise à l'opprobre du peuple. Touches délicates des tendres baisers, petits points de couleur opale, de la naissance du cou au creux des reins [staccato], Qua resurget ex favilla, renaissance des cendres qu’Ambroise étale au grand jour au-dessus des souffrances de rouge et de gris. Jouissance de la musique, judicandus, jouissance des sens [legato], homo reus, les doigts caressent la toile d’azur, s’étirent, s’écrasent, comme le corps du peintre qui se presse et s’affole sur le canevas [crescendo], traînées de blanc laiteux dans le ciel [fortissimo]. « Roberto ! »
Lacrimosa dies illa. Effondré, recroquevillé, de longs sanglots s’échappant de tous ses pores, Ambroise se meurt dans cette passion dévastatrice. Désespoir et folie furieuse, il détruit son amant, brouille la toile d’un coup d’éponge. Que le coupable soit jugé, judicandus homo reus, mais que Dieu ait pitié de lui, huic ergo parce Deus.
Dans un mouvement de balancier, bercement des Hommes, il balaie la fresque de saphir et de cobalt. « Dieu, aie pitié de nous ! » Ambroise supplie dans un murmure, Dona eis Requiem. [Diminuendo], goutte après goutte toute sa lie se mélange sur la palette, se répandant [lento] vers l’apaisement, vers le lilas, le violet et l’améthyste, vers le repos éternel. Roulement des timbales. Amen.
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Quelques mois plus tard…
La galeriste : « Cette toile est la dernière création d’Ambroise Finch. Il s’est littéralement donné la mort sur son œuvre en un vibrant hommage à son amant Roberto Castelli qu’il avait tué quelques heures auparavant. »
Alice de Castellanè
Son truc, c'était les châles. Elle en tricotait ou crochetait des dizaines chaque année. Elle choisissait avec soin des laines artisanales, filées par des mains habiles. De temps à autre, elle s'octroyait quelques fantaisies avec des perles incrustées ou des fils piquetés de « kibrille ». Ses clientes appréciaient.
— Une maille à l'endroit, un jeté, trois mailles à l’endroit, deux maill
— Ladiez and gentlemen, diz way pleaz !
Oh bonne mère ! Si un jour, on m'avait dit que le purgatoire c'était ça ! Cela doit bien faire cinq cent ans et des brouettes que je hante nuit et jour cette cathédrale et en toute honnêteté, les quelques années précédentes ont été les plus difficiles. Cette guide-là doit être à l'évidence la dernière épreuve que Saint-Pierre m'envoie avant de m'ouv
Ce qui aurait dû être un joli matin de mai n'était que grisaille et froidure. La neige était subitement tombée hier en abondance, non pas aérienne, immaculée, mais souillée, polluée. Elle avait fondu assez rapidement par endroits, comme réchauffée par ses propres radiations. Assise sur le porche de sa petite maison nichée au cœur de la forêt vosgienne, Elisabelle regardait son jardin d'un œil v
Le train glissa en silence dans la lumière diffuse du mitan, abandonnant Cathy sur le quai désert. Décontenancée par l’absence de signalétique, elle farfouilla dans son sac et en ressortit la précieuse photographie. C’était bien ici, elle ne s'était pas trompée : le même village étincelait en face d'elle, sur la colline. Rassérénée, elle entreprit de gravir d’un bon pas la faible côte.