« Un ! »
La lumière fusa en mille petits éclats argentés, prismes de pacotille dans lesquels Pauline sombra. Perceptions intensifiées. Aveuglement. L’irradiation l’éclaboussa et sa raison se fendilla de toute part. Un fragment lui heurta le cœur : maman ! pour retomber, déchu, dans le voile de neige cotonneux.
« Deux ! »
Un éclair d'un ton nouveau illumina la scène. Elle vit des choses au loin, des reflets de ses rêves, minces espoirs qu'elle aurait dû laisser perdre à jamais. La lumière opaline avait un jour scintillé dans ses yeux. Un jour ou était-ce une nuit ? Si peu, en fait. À quoi bon s'accrocher ? La peinture s'écailla. Tout redevint blanc.
« Trois ! »
Jean, c'était Jean qu'elle avait entraperçu dans le dernier éclat de nacre. Se pouvait-il que Jean l'aimât ? Il lui avait souri, un jour, à la sortie de l'internat, la seule fois où l'on était venu la chercher. Mais il devait l'avoir oublié aujourd'hui. Parce qu’elle était de celles qu’on oublie. La pépite d'argent retomba avec les autres sur le tapis de neige. Adieu, Jean !
« Quatre ! »
L’embrasement du tison repeignit l'atmosphère en rouge vif. Les éclats de lumières devinrent incandescents. La colère remonta à la surface. L'injustice, violente ou sournoise, officielle ou perverse emprisonnait son espace. Pauline sentit les barres de fer se resserrer autour d’elle, l'écrasant, la réduisant en bouillie obéissante. Ne discute pas, Pauline. Obéis ! Tu n’as pas le choix. Obéis !
« Cinq ! »
Les flammes léchaient son âme, retournant sa volonté, sa droiture en un amas malléable, doucereux. Elle était devenue sa propre honte. La brûlure se faisait de plus en plus intense. Mordante, même, attaquant son épine dorsale, son vrai moi. Sa peau tendre de petite fille rougeoyait dans l’opprobre. Obéis et tais-toi !
« Six ! »
Non ! Elle n'était pas lui. Satan, va-t’en ! Pauline hurlait en secret, depuis de longs mois, depuis qu'elle ne se reconnaissait plus. Ce n'était pas sa nature. Elle n'était pas de feu ; elle était de silence. Elle ne savait pas trahir ; elle était ange. Les coups, les menaces, les brimades avaient fait d’elle un être sournois, fielleux, vipère. Cela n’était pas elle. Non !
« Sept ! »
Un bourdonnement irascible accompagnait maintenant la forge. Comme un moustique coincé dans une oreille. Le pilonnage devenait lourd, presque lent. Le grésillement irrégulier, dans sa tonalité et son balancement. Elle l'avait mérité. Elle n'était plus rien, rien qu'un ignoble vers de terre malfaisant. Retourne donc là-dessous, tu n'as rien fait de bon ici. Rien.
« Huit ! »
Un sursaut la ressaisit alors qu'elle se laissait choir. Pauline crut entrevoir l'abbé ami dans l'un des prismes de feu qui jaillissaient de l'âtre. Il lui avait tendu la main un jour où son monde s'était écroulé pour la première fois. Mais non, ce n'était qu'une illusion perdue. Un reflet déformé, une fausse réalité.
« Neuf ! »
Aux étincelles, aux vrombissements du bourdon, vint s'ajouter le soufre. Pauline s'approchait de l'enfer et cela lui importait peu. Elle avait déjà connu tout ce que le Malin avait en réserve ici-bas. Tout. Elle n'était que victime, mais verrait-on la différence ? Elle ne la voyait plus. Un brouillard rougeâtre et larmoyant emplit désormais son esprit.
« Et dix ! »
La fin pour son bourreau, la fin pour elle peut-être. Elle l'espérait, lui tendait les mains ; offerte. Le brasier crépitant l'avait enveloppé tout entier et plus un souffle ne semblait vouloir la déloger. Le bourdonnement avait cessé. Un silence de plomb étendit son manteau sur Pauline. Éteignoir.
***
« Yvonne, Marcelle, allez aider votre camarade à se relever. Jetez-lui de l'eau froide si nécessaire, ça lui éclaircira les idées ».
« Mesdemoiselles, reprit l’institutrice très droite dans son sombre tablier marine, vous avez goûté, je l'espère, la façon dont Pauline a subi sa punition. Pas un gémissement, pas une supplication. Prenez-en de la graine, jeunes filles ! Mais reprenons, fit-elle en claquant sa règle sur le haut pupitre de bois qui trônait sur l'estrade, allons, allons, page cent vingt-quatre... »
Alice de Castellanè
Ses pas menus résonnent sur les dalles du sentier. Ils cliquettent, tantôt guillerets, tantôt inquiets. Où va-t-elle au juste ? Dans le labo, à l'autre bout du parc, là où les lumières, coloris francs, brillent raides et glaciales. Un monde à l'opposé de l'auberge dont elle a fermé la porte d'une main pourtant certaine. Oui, il le faut, elle a choisi. Cette cure detox, elle en a besoin. Elle en
Sa mémoire vacille. Il s'accroche à chaque brin, filaments ténus qui flottent quelque part dans sa tête. Il voit des choses, des flashs parfois ou une lumière diffuse, comme la couleur bleu pâle de la robe d'été de cette jeune fille. Il réfléchit, ne sait plus si son prénom lui a toujours été inconnu ou s’il s'est égaré dans son passé. Il a dû lui susurrer des mots doux, l'appeler de petits nom
De monumentales stalactites piquetaient la voûte de l'insondable grotte dans laquelle ils pataugeaient depuis de ce matin. Malgré les puissants coups de rames que Perrette donnait à leur faible embarcation, ils ne paraissaient guère progresser. Alors, pour passer le temps, elle comptait les crevasses et les boursouflures du dôme qui couvrait la mer intérieure qu'ils tentaient, tant bien q
C'était Mathilde qui avait eu l'idée du jeu. Le premier qui voyait un chapeau à fleurs pinçait l'autre. Après de longues minutes désertiques, ils durent accepter l'évidence, de nos jours, plus personne ne portait ce genre de couvre-chef. Lucien suggéra alors les chaussures à bout pointu. Mais leur vue décadente à tous les deux rendit le repérage athlétique. Ils se penchaient, mains en visi