Ils meurent par centaines, par milliers, crucifiés sur les barbelés de nos murs anti-invasions, échoués sur nos plages, largués par des pirogues de fortune, asphyxiés par les gaz d’échappement sous le plancher d’un train routier. Ils meurent par poignées, par grappes, sous les balles que nous avons fabriquées, avec l’argent que nous avons donné à leurs ennemis en échange de quelques litres de pétrole.
Nous les accusons de nous envahir, de venir voler notre or, notre travail, alors, nous fermons nos frontières, ne gardons que quelques minuscules trous de souris accessibles aux plus téméraires, au plus chanceux : féroce sélection naturelle.
\nHier, le drame a éclaté au grand jour, un bébé est mort, d’autres aussi, peut-être, sûrement ; intervenons, réagissons ! Alors, nous tweetons, partageons les photos de l’horreur, mais que dira le légiste ? Il est mort, ils sont morts, parce que nous n’avons rien fait. Je n’ai rien fait. Mais le Je se cache derrière le Ils.
\nHier aussi, I had a dream. Toutes les rues menant à Rome ou à Byzance étaient parsemées de pétales de roses d’un blanc pur. De prolifiques rosiers fleuris embellissaient les bas côtés d’où sortaient des rires de bambins, des panneaux « Bienvenue chez moi », un chemin conduisant à chaque maisonnée où un feu et des sourires accueillaient le voyageur.
\nMais le Je se cache derrière le Tu. Accueille, toi ! parce que moi je ne peux pas, tu vois, mon logement est trop petit, je n’ai pas le temps, je travaille trop et mes enfants, je ne peux pas les laisser jouer avec les leurs, tu imagines, ils ont des poux, ils sont sales, mal élevés, ne parlent pas français. Et ma femme, elle risque même de se faire violer, ma maison cambriolée. Non, tu comprends, moi je ne peux pas. Mais toi, tu peux, vas-y, toi !
\nAlice de Castellanè
Peut-être était-ce un lundi, à moins que ce ne fût un mardi. Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg n'avait qu'une idée très vague des marques du temps. Il croyait se rappeler que l'on était en septembre, et encore, parce que c'était la fin du mois et qu'il avait eu le temps de s'y habituer.
Du haut du mont Al-Eakaial, le Professeur Max Maximillian, les mains dans les poches et un cigarillo au coin des lèvres, contemplait, tel Auguste son empire, le vaste champ de fouilles qui s'étalait au pied de la colline. Son équipe, composée en majorité de traîne-savate, avait creusé un puits d'accès à une nécropole souterraine, bric-à-braquement étayé par un chevalement. Elle était sur
La bouche déversait un flot continu de grossièretés qui s'écoulaient sur le sol pour former une mélasse malodorante. Le peintre, genoux à terre, recevait cette boue verbeuse à pleines mains pour la sublimer sur son immense toile.
Tic, tac, la vie file et le temps rétrécit. Dix poursuivants, ballet bourdonnant, la traquent, la frôlent, s'enroulent autour de ses reins. Juste aujourd'hui, une ou deux heures encore ou demain peut-être, si le soleil brille. Maya la jeune vierge, joue l'esquive, s’égaye et s'enfuit pour mieux les exciter. Sa fougue enflamme leurs ardeurs. L'un des chasseurs s'agrippe à son buste et sans