Ils meurent par centaines, par milliers, crucifiés sur les barbelés de nos murs anti-invasions, échoués sur nos plages, largués par des pirogues de fortune, asphyxiés par les gaz d’échappement sous le plancher d’un train routier. Ils meurent par poignées, par grappes, sous les balles que nous avons fabriquées, avec l’argent que nous avons donné à leurs ennemis en échange de quelques litres de pétrole.
Nous les accusons de nous envahir, de venir voler notre or, notre travail, alors, nous fermons nos frontières, ne gardons que quelques minuscules trous de souris accessibles aux plus téméraires, au plus chanceux : féroce sélection naturelle.
\nHier, le drame a éclaté au grand jour, un bébé est mort, d’autres aussi, peut-être, sûrement ; intervenons, réagissons ! Alors, nous tweetons, partageons les photos de l’horreur, mais que dira le légiste ? Il est mort, ils sont morts, parce que nous n’avons rien fait. Je n’ai rien fait. Mais le Je se cache derrière le Ils.
\nHier aussi, I had a dream. Toutes les rues menant à Rome ou à Byzance étaient parsemées de pétales de roses d’un blanc pur. De prolifiques rosiers fleuris embellissaient les bas côtés d’où sortaient des rires de bambins, des panneaux « Bienvenue chez moi », un chemin conduisant à chaque maisonnée où un feu et des sourires accueillaient le voyageur.
\nMais le Je se cache derrière le Tu. Accueille, toi ! parce que moi je ne peux pas, tu vois, mon logement est trop petit, je n’ai pas le temps, je travaille trop et mes enfants, je ne peux pas les laisser jouer avec les leurs, tu imagines, ils ont des poux, ils sont sales, mal élevés, ne parlent pas français. Et ma femme, elle risque même de se faire violer, ma maison cambriolée. Non, tu comprends, moi je ne peux pas. Mais toi, tu peux, vas-y, toi !
\nAlice de Castellanè
Les mains en éventail devant elle, Victoire de Nostredame sniffait l’air par touchettes : cuirs cabossés, parchemins racornis, sueurs de copistes. L’archiviste l’avait sermonné, ne manipuler que le strict nécessaire.
— Ladiez and gentlemen, diz way pleaz !
Oh bonne mère ! Si un jour, on m'avait dit que le purgatoire c'était ça ! Cela doit bien faire cinq cent ans et des brouettes que je hante nuit et jour cette cathédrale et en toute honnêteté, les quelques années précédentes ont été les plus difficiles. Cette guide-là doit être à l'évidence la dernière épreuve que Saint-Pierre m'envoie avant de m'ouv
Son univers craquelle, un capharnaüm multicolore s’épand puis s’ébat dans sa tête. Il hurle, se déchire les tympans. Comment a-t-elle pu l’abandonner, seul, dans ce désert peuplé de loups hargneux ? Des dragons venus d'outre-tombe le harcèlent, l'ensorcellent, l'agrippent de toute part. Des nuances de rouge, de gris s’entremêlent devant ses yeux. Les ombres l’embrochent.
Pièce en 1 acte
Le foyer des artistes, derrière la grande scène de l’Opéra de Paris. La pièce est nue, sauf quelques chaises çà et là. Six ou sept danseuses en tutu vont et viennent sur la scène, s’étirent, font des pauses, des mines. Au fond, côté jardin, trois hommes distingués, en habit noir et haut de forme les admirent ou les jugent.