
Tic, tac, la vie file et le temps rétrécit. Dix poursuivants, ballet bourdonnant, la traquent, la frôlent, s'enroulent autour de ses reins. Juste aujourd'hui, une ou deux heures encore ou demain peut-être, si le soleil brille. Maya la jeune vierge, joue l'esquive, s’égaye et s'enfuit pour mieux les exciter. Sa fougue enflamme leurs ardeurs. L'un des chasseurs s'agrippe à son buste et sans caresse ni regard, arrime son dard turgescent.
Incursion.
Fusion des corps en plein vol, ébullition des sangs. Un frémissement parcourt l'échine du viril prétendant, essaime dans les entrailles de sa reine vibrante d'émotion.
Extase.
Son membre gonflé de fierté explose sous la puissance de son désir. Son abdomen n’est que plaie béante.
Désintégration.
Tic, tac, la vie s'écoule et pour lui, expire.
Gorgée de sucs et de plaisirs, Maya s'élève vers d'autres cieux, d'autres rivages. Ses courtisans jamais n'abandonnent. Un deuxième combattant, au bord de l'ivresse la fourrage sans prévenance.
Incursion, extase et désintégration.
Tic, tac. Pour lui aussi, le temps suspend son vol.
Elle en redemande, Maya. Six, neuf, vingt. C’est son unique moment, à tout jamais précieux. Elle gobe, engloutit à tout va. Elle suce, aspire et assassine sans remords les preux chevaliers qui la prennent, aveuglés par leur feu, inconscients du sort auquel elle les promet. Sa destinée et celle de toute sa tribu dépendent de ces instants fragiles. Ces mâles, vaillants, mais insouciants impriment en elle la vigueur de la colonie.
Tic, tac, sans trêve et sans repos, Maya continue son œuvre méthodique, accueillant ses fiancés, recueillant leur semence dans une ultime seconde orgasmique, suppliciant au passage le malheureux pourvoyeur. Rudesse de l’échange, implacable fatalité : leur mort à eux contre la sienne ; aucune alternative, elle ne saurait rentrer bredouille, ses compagnes l’occiraient sans état d’âme.
Le voile noir de la nuit se pose enfin sur l'astre lumineux. Le présent s'arrête. Fructueuse journée pour Maya qui, comblée, ne peut envisager une virée subsidiaire. Elle jette un dernier coup d'œil nostalgique à l'immensité du monde. Le sien s'en trouvera désormais réduit aux quatre planches de bois de sa ruche, dans une obscurité permanente, et ce, pour son éternité.
Tic, tac, son sursis de liberté s'achève ici. Un avenir de galérienne s'entrouvre. Quatre ou cinq ans à produire à la chaîne, entre alvéoles de cires et réserves de miel, des œufs en multitude, enfants de ses partenaires du jour.
Adieu sémillantes sensations. Adieu félicité.
Rideau !
Alice de Castellanè
Chaque jour, à la même heure, je m’alanguis sur le sable doré, une bière-limonade à portée de main, paille et rondelle de citron. Et l’immuable ombrelle de papier.
Je suis morte. Anéantie, je n'existe plus. Mon corps est autre. Souillée.
Le week-end avait pourtant commencé sous d'heureux auspices.
Nous étions tous très beaux, nantis de soieries et dentelles. « Luxe, calme et volupté. » Nous étions jeunes, nous étions là pour nous amuser, boire et danser, voire plus si entente. Si entente.
Le cadre, un jeu
— Ce sont ses cris.
— Comme presque chaque matin.
— Quand il n'est pas là.
— Il n'est pas souvent là.
— La voilà qui s'échappe.
— Elle vient vers nous.
***
Les yeux barbouillés de brouillard, Adriana dévala les quatre marches du perron. Il s'en fallut de peu qu'elle se prenne les bottines dans ses nombreux jupons blancs.
(court métrage)
1. Int/Jour – Coffee shop new-yorkais
Café typiquement new-yorkais, grands tableaux mentionnant les différentes boissons, tables hautes, confortables sofas, etc. KEVIN, un jeune homme (18-22 ans) est assis à l’une des tables rondes traditionnelles en face de SOFIA, jolie quinqua, blonde. Ils boivent un